jeudi 17 mai 2012

La protection des cyber-consommateurs européens : ce que prévoit la directive relative aux droits des consommateurs

La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil a été publiée au JOUE du 22 novembre 2011 et entrera en application dans les États membres le 13 juin 2013.
D’harmonisation maximale, cette directive vise, selon son article 1er, à « contribuer, en atteignant un niveau élevé de protection du consommateur, au bon fonctionnement du marché intérieur en rapprochant certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux contrats entre les consommateurs et les professionnels ».
Le champ d’application matériel de la directive est défini à l’article 3 de celle-ci. Elle s’applique « à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur. Elle s’applique également aux contrats portant sur la fourniture d’eau, de gaz, d’électricité ou de chauffage urbain, y compris par des fournisseurs publics, dans la mesure où ces biens sont fournis sur une base contractuelle ». Les contrats portant sur de contenu numérique, c'est-à-dire « des données produites et fournies sous forme numérique », relèvent du champ d’application de la directive. Sont, cependant, exclus de la protection de la directive les contrats portant sur les services sociaux, les soins de santé, les jeux d’argent, les services financiers, le transfert de droits relatifs à des biens immobiliers, la construction d’immeubles neufs ou la transformation importante, la location d’un logement, les voyages à forfait, la multipropriété, la fourniture de denrées alimentaires ou les services de transport de passagers.
La présente note aura pour but de présenter une synthèse des principales mesures prévues par la directive 2011/83/UE en faveur des cyberconsommateurs européens.

A.Droit de rétraction


1.Durée et computation du délai de rétractation

Actuellement, les cyberconsommateurs disposent d’un délai minimum de sept jours ouvrables. La directive 97/7/CE étant d’harmonisation minimale, les législateurs nationaux sont autorisés à prévoir des délais plus longs. En conséquence, on assiste à une disparité des délais de rétractation au sein de la communauté européenne, ce qui présente un facteur important d’insécurité juridique pour les consommateurs. Ainsi, alors que certains États, comme la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne, le Luxembourg et le Royaume-Uni ont choisi le délai de sept jours ouvrables prévu par la directive 97/7/CE, d’autres États membres ont appliqué la clause d’harmonisation minimale pour mettre en place des délais de rétractations plus longs que celui prévu par la directive. Citons, à titre d’exemple, l’Italie (dix jours calendaires), la Hongrie (huit jours ouvrables), l’Allemagne (un mois si le consommateur a été informé de son droit de rétractation), le Danemark (quatorze jours calendaires) […]. Les consommateurs risqueraient donc de se voir traités différemment d’un État membre à l’autre. Et ce risque se trouve singulièrement accru si l’on considère le mode de calcul du délai de rétractation en « jours ouvrables ». C’est ainsi que les jours fériés ne sont pas identiques dans tous les États membres.
Dans le souci de mettre fin à cette situation et, partant, d’assurer la sécurité juridique des transactions réalisées à distance, la nouvelle directive a procédé à l’unification du délai de rétractation. Désormais, les cyberconsommateurs communautaires disposent d’un délai unique de quatorze jours calendaires pour revenir sur leurs engagements. La directive étant, rappelons-le, d’harmonisation maximale, elle ne laisse aucune marge aux législateurs nationaux pour allonger le délai de rétractation au-delà ou l’accourcir en deça de quatorze jours calendaires.
S’agissant du point de départ pour la computation du délai de rétractation, il n’est pas modifié par rapport à la directive 97/7/CE : selon l’article 9 de la directive sur les droits des consommateurs, le délai de rétractation court à compter de la conclusion du contrat pour les services et à compter de la prise de possession par le consommateur ou un tiers autre que le transporteur et désigné par le consommateur pour les biens.
La directive relative aux droits des consommateurs précise également le point de départ du délai de rétractation pour d’autres cas spécifiques qui ne figurent pas dans la directive sur les contrats à distance :
i) dans le cas de biens multiples, commandés par le consommateur dans une seule commande et livrés séparément, du jour où le consommateur ou un tiers autre que le transporteur et désigné par le consommateur prend physiquement possession du dernier bien;
ii) dans le cas de la livraison d'un bien compose de lots ou de pièces multiples, du jour où le consommateur ou un tiers autre que le transporteur et désigné par le consommateur prend physiquement possession du dernier lot ou de la dernière pièce; ou
iii) dans le cas des contrats portant sur la livraison régulière de biens pendant une période de temps définie, du jour où le consommateur ou un tiers autre que le transporteur et désigné par le consommateur prend physiquement possession du premier bien.
Notons que le droit de rétractation est étendu aux sites d’enchères comme eBay, à condition, toutefois, que la transaction soit faite avec un vendeur professionnel et non entre particuliers.
La directive 97/7/CE prévoit une possibilité d’allongement du délai de rétractation pour sanctionner les professionnels qui n’auraient pas respecté son obligation de confirmer, par écrit ou sur autre support durable, les informations préalables à la formation du contrat électronique, parmi lesquelles doit figurer l’existence du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai d’exercice du droit de rétractation est porté à trois mois. Ce délai court à compter de la réception du bien ou de la conclusion du contrat selon que ce dernier porte sur un bien ou un service. Si dans ce délai de trois mois le fournisseur rattrape le retard et informe le cyberconsommateur de son droit de rétractation, cette information fait courir le délai de sept jours.
Avec la nouvelle directive, en cas d’omission d’informer le cyberconsommateur de son droit de rétractation, ce dernier dispose d’un délai d’un an pour revenir sur son engagement. Ce délai court dès la fin du délai de rétractation initial, c'est-à-dire quatorze jours. Dans l’hypothèse, où le commerçant en ligne a omis d’informer le consommateur de son droit de rétractation avant qu’il ne soit lié par le contrat mais l’a fait à une date postérieure comprise entre le jour de la conclusion du contrat et le jour de l’expiration du délai d’un an après la fin du délai de rétractation initial, le délai de quatorze jours commence à courir à partir de cette dernière date.

2.L’exercice du droit de rétractation

Comme tous les autres actes unilatéraux mettant fin à un contrat, le droit de rétractation est un acte réceptice. Il doit, de ce fait, être porté, par une notification, à la connaissance de la personne envers laquelle il est dirigé, sous peine de ne produire aucun effet juridique.
La directive 97/7/CE, tout comme la majorité des autres directives communautaires prévoyant un droit de rétractation, laisse le soin de trancher la question de la notification de l’exercice de ce droit aux législations nationales en disposant qu’elle doit être faite « conformément aux modalités et conditions prescrites par la législation nationale ». La seule disposition communautaire qui pose une exigence de forme est constituée par l’ article 6§6 de la directive relative à la commercialisation des services financiers à distance auprès des consommateurs en vertu de laquelle le délai de rétractation « est réputé respecté si la notification, à condition d’avoir été faite sur un support papier ou sur un autre support durable qui est à la disposition du destinataire et auquel il a accès, a été envoyée avant l’expiration du délai ».
Désormais, dans l’objectif de simplifier le processus de rétractation et d’apporter une sécurité juridique, l’article 11 de la directive relative aux droits des consommateurs met à la disposition du consommateur un formulaire de rétractation standard reproduit à l’annexe I, partie B. Aucune autre « exigence de forme » ne pourra être imposée par les Etats membres autres que celles visées au formulaire annexé à la directive. Par ailleurs, le consommateur peut, s’il le souhaite, revenir sur son engagement en faisant une déclaration « dénuée d’ambiguïté exposant sa décision de se rétracter ». S’agissant d’un contrat conclu en ligne, le professionnel peut donner au consommateur la possibilité de remplir et de transmettre en ligne, sur le site marchand du professionnel, soit le modèle de formulaire de rétractation le formulaire de rétractation figurant à l’annexe I, partie B, soit une autre déclaration dénuée d’ambiguïté. Si c’est le cas, le professionnel doit envoyer sans délai un accusé de réception de la rétractation sur un support durable.

3.Les effets de la rétractation

Une autre nouveauté de la directive relative aux droits des consommateurs réside dans la détermination, en ses articles 12 et suivants, des effets du droit de la rétractation. L’article 12 de la directive dispose que l’exercice par le consommateur de son droit de rétractation a pour effet l'extinction de l'obligation des parties d'exécuter le contrat. En sus de cet effet commun à l’égard des deux parties aux contrats, les articles 13, 14 et 16 de la directive prévoient :

a.Des obligations à la charge du consommateur

Lorsqu’il exerce son droit de rétractation, le cyberconsommateur est tenu de restituer, sans retard excessif, les biens au professionnel ou à une personne habilitée par ce dernier à les réceptionner. La restitution doit, selon l’article 14-1 de la directive, intervenir dans un délai de quatorze jours à compter de la communication de sa rétractation au professionnel, sauf si le professionnel propose de récupérer lui-même les biens objets du contrat.
En ce qui concerne les coûts financiers que le cyberconsommateur doit supporter suite à sa rétractation, ce même article précise que ce dernier « supporte uniquement les coûts directs engendrés par le renvoi des biens, sauf si le professionnel accepte de les prendre à sa charge ou s’il a omis d’informer le consommateur qu’il doit les prendre en charge ».
Qui plus est, l’article 14-2 de la directive relative aux droits des consommateurs traite de la responsabilité pouvant incomber au consommateur du fait de l’exercice de son droit de rétractation en énonçant que « la responsabilité du consommateur n'est engagée qu'à l'égard de la dépréciation des biens résultant de manipulations autres que celles nécessaires pour établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement de ces biens ». Et ce même article de dire que « le consommateur n'est pas responsable, en tout état de cause, de la dépréciation des biens lorsque le professionnel a omis de l'informer de son droit de rétractation conformément à l'article 6, paragraphe 1, point h) ».
Par ailleurs, l’article 14 in fine prévoit que lorsque le consommateur a expressément demandé que l’exécution de la prestation d'un service ou la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ou de chauffage urbain commence pendant le délai de rétractation, il paie au professionnel un montant proportionnel aux services fournis jusqu’au moment où il a informé le professionnel de sa volonté de se rétracter par rapport à l’ensemble des prestations prévues par le contrat.

b.Des obligations à la charge du professionnel

Dans le cas où le consommateur use de son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance par voie électronique, l’article 13 de la directive relative aux droits des consommateurs prévoit que le fournisseur est tenu de lui rembourser les sommes qu’il a payé au titre de l'achat du produit, y compris, le cas échéant, les frais de livraison. Le cybervendeur n’est pas toutefois tenu de rembourser les frais supplémentaires si le consommateur a expressément choisi un mode de livraison autre que le mode moins coûteux de livraison standard qui lui a été proposé.
S’agissant du délai de remboursement, ce même article précise qu’il doit intervenir « sans retard excessif » et au plus tard « dans les quatorze jours suivant celui où [le professionnel] est informé de la décision du consommateur de se rétracter ». Notons qu’auparavant ce délai était plus long et pouvait atteindre trente jours.

c. La résiliation des contrats accessoires

L’article 15 de la directive impose aux États membres de prévoir dans leurs législations que l'exercice par le consommateur de son droit de rétractation d'un contrat à distance directive a pour effet de résilier automatiquement tout contrat accessoire. Celui-ci est défini, selon l’article 2, 15), comme « un contrat en vertu duquel le consommateur acquiert des biens ou services afférents à un contrat à distance ou à un contrat hors établissement, ces biens ou services étant fournis par le professionnel ou un tiers sur la base d'un accord conclu entre ce dernier et le professionnel ». Cela étant, la directive relative aux droits des consommateurs assure aux consommateurs en ligne une protection plus étendue que celle qui résulte de la directive 97/7/CE qui ne vise que le contrat de crédit.

B.L’obligation précontractuelle d’information


Cette obligation est intimement liée à l’idée d’une inégalité entre les parties quant aux renseignements dont elles disposent. S’agissant d’une offre faite en ligne, cette inégalité tient essentiellement aux spécificités de l’environnement électronique, notamment la distance séparant les contractants, l’absence de rapport direct entre les parties, ainsi que l’absence de tout contact tangible avec le bien convoité.
Soucieux de répondre aux risques et aux défis entourant la conclusion de contrats par voie électronique et, par là même, de susciter la confiance du consommateur, la directive 2011/83/UE est venue mettre à la charge du professionnel une obligation précontractuelle d’information renforcée.

1.Contenu de l’information

Outre les informations prévues par la directive 97/7/CE sur les contrats à distance et reprises dans le Code de la consommation français, le professionnel est tenu de fournir au consommateur les informations suivantes :
- le rappel de l’existence d’une garantie légale de conformité pour les biens et, le cas échéant, l'existence d'une assistance après-vente au consommateur, d'un service après-vente et de garanties commerciales, ainsi que les garanties y afférentes ;
- dans le cas où le consommateur se trouve obligé de payer en ligne en passant sa commande, le professionnel veille à ce que l’acheteur reconnaît explicitement que celle-ci implique une obligation de payer. Si, pour passer une commande, il faut activer un bouton ou une fonction similaire, le bouton ou la fonction similaire porte uniquement la mention facilement lisible «commande avec obligation de paiement» ou une formule analogue, dénuée d’ambiguïté, indiquant que passer la commande oblige à payer le professionnel. À défaut, le consommateur ne sera pas lié par le contrat.
- lorsque le droit de rétractation existe, le professionnel doit indiquer au consommateur, outre les conditions, le délai et les modalités d’exercice de la rétractation :
  • s’il devra supporter les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, si le bien, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste, le coût de renvoi du bien ;
  • que le droit de rétractation n’est pas applicable lorsque le contrat en cause figure parmi les exceptions prévues par l’article 16 de la directive ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

2. L’exercice de l’obligation précontractuelle d’information

Pour que le consommateur soit en mesure de prendre effectivement connaissance des informations précontractuelles, et par là, de faire un choix éclairé, la directive sur les droits des consommateurs exige que ces informations soient délivrées selon des modalités précises (a), mais qu’elles doivent aussi être confirmées (b).

a. L’intelligibilité des informations

Le professionnel proposant des biens ou services en ligne est appelé à fournir au consommateur les informations « sous une forme claire et compréhensible ». La directive ne dit rien sur ce qu’il faut entendre par une information claire et compréhensible, laissant ainsi aux juges nationaux le soin d’en préciser les contours, ce qui est regrettable.

b. La confirmation des informations

En raison du caractère éphémère des informations diffusées sur le réseau, les trois systèmes juridiques étudiés ont mis à la charge du professionnel une obligation de confirmation des informations précontractuelles. Celle-ci vise à « permettre au consommateur de disposer d’une trace tangible et d’une sorte de mode d’emploi du contrat intervenu » auquel il « doit pouvoir aisément [se] reporter en cas de litige ». Aux termes de l’article 8-7 de la directive sur les droits des consommateurs, « le professionnel fournit au consommateur la confirmation du contrat conclu, y compris, le cas échéant, de l'accord et de la prise d'acte du consommateur conformément à l'article 16, point m), et à toutes les informations visées à l'article 6, paragraphe 1, sur un support durable et dans un délai raisonnable après la conclusion du contrat à distance, au plus tard au moment de la livraison du bien ou avant le début de l'exécution du service, sauf si ces informations ont déjà été fournies au consommateur sur un support durable avant la conclusion du contrat à distance ».
Par « support durable », il faut entendre, selon l’article 2-10 de la directive, « tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement d'une manière permettant de s'y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l'identique des informations stockées ». Ainsi défini, le support de la confirmation doit, pour qu’elle bénéficie de la présomption de durabilité, remplir trois fonctions principales, à savoir la pérennité, la lisibilité et l’intégrité des informations communiquées. Notons que le considérant 23 de la même directive dresse une liste de supports censés être durables. Elle inclut « le papier, les clés USB, les CD-Rom, les DVD, les cartes à mémoire ou les disques durs d'ordinateur ainsi que les courriels ».

C. Autres mesures


La directive 2011/83/UE prévoit, en son chapitre IV, différentes mesures, mais dont le champ d’application est limité au contrat de vente. Il s’agit principalement de :

1. La livraison du bien vendu

Le délai de livraison est un point clé dans le processus de la transaction électronique. Il constitue un élément déterminant de la confiance des cyberconsommateurs lors d’un achat en ligne. Or, selon le forum des droits sur l’Internet « en matière de commerce électronique, les principales plaintes formulées par le consommateur sont relatives au retard dans la livraison du bien commandé ». Afin de remédier à cette situation, la directive sur les droits des consommateurs s’est attelée à clarifier et d’harmoniser les règles nationales relatives au moment de la livraison.
Selon l’article 18§1 de la directive, « sauf si les parties en disposent autrement concernant le moment de la livraison, le professionnel livre les biens en en transférant la possession physique ou le contrôle au consommateur sans retard injustifié, mais au plus tard 30 jours, après la conclusion du contrat ». En l’absence d’un accord entre les parties sur le moment de la livraison, l’évènement déclencheur du délai de livraison n’est plus l’envoi de sa commande par le consommateur, tel que prévu par l’article 7-1 de la directive du 20 mai 1997 sur les contrats à distance, mais plutôt le jour de la conclusion du contrat. Notons que le point de départ du délai de livraison prévu par la directive sur les contrat à distance a été fortement critiqué par les professionnels de vente en ligne, dans la mesure où ils étaient tenus de livrer un bien alors même qu’ils n’en avaient pas encore connaissance

2.Frais d'utilisation de moyens de paiement ou de contacts téléphoniques

À cet égard, la directive prévoit un plafonnement des coûts d’utilisation de moyens de paiement et des lignes téléphoniques pour contacter le professionnel au sujet du contrat conclu. Ainsi, désormais, en cas d’utilisation d’un moyen de paiement donné, les professionnels ne pourront plus « facturer aux consommateurs des frais supérieurs aux coûts qu’ils supportent pour l’utilisation de ces mêmes moyens » (art. 19). Aussi, lorsqu’il exploite une ligne de téléphone pour le contacter par téléphone au sujet du contrat conclu, un professionnel ne pourra plus imposer aux consommateurs des coûts supplémentaires aux tarifs de base (art. 21).

3. Paiements supplémentaires

L’article 22 de la directive interdit d’imposer au consommateur, sans son consentement exprès préalablement à la conclusion du contrat, tout paiement supplémentaire à la rémunération convenue au titre de l'obligation contractuelle principale, notamment en ayant recours aux cases « pré-cochées ». Dans le cas où de tels paiements sont supportés par le consommateur, celui-ci peut prétendre au remboursement

4. Transfert du risque

La directive distingue entre deux cas. Le premier est celui des contrats prévoyant que le professionnel expédie les biens au consommateur : dans ce cas, la règle est que le risque de perte ou d’endommagement est transféré au consommateur dès que ce dernier ou un tiers, désigné par le consommateur et autre que le transporteur, prend physiquement possession des biens.
Quant au second cas, c’est celui où le consommateur a chargé un transporteur d’exécuter la livraison des biens achetés et que ce choix n’a pas été proposé par le professionnel. Le transfert du risque au consommateur s’effectue, dans ce cas, au moment où le transporteur prend en charge le bien acheté.

5. Vente forcée

En cas de fourniture non demandé par le consommateur d’un bien ou d’un service, ce dernier est dispensé de l’obligation de verser toute contreprestation. Qui plus est, l’absence de réponse du consommateur dans un tel cas de fourniture ou de prestation non demandée ne peut en aucun cas valoir consentement.

Opposabilité d’une clause attributive de compétence conclue en ligne (CA de Pau, 1ère ch., 23 mars 2012, Sébastien R. c/ Facebook)

Dans un arrêt du 23 mars 2012, la Cour d’appel de Pau a réputé non écrite la clause attributive de compétence aux tribunaux de Californie contenue dans les CGU du site internet Facebook aux motifs qu’elle n’est pas facilement identifiable et lisible.
Pour qu’elles puissent faire partie intégrante du contrat, et pouvoir faire la loi des parties, les conditions générales du contrat doivent avoir été portées à la connaissance du contractant, préalablement ou au plus tard au moment de la conclusion du contrat[Quentin VAN ENIS, « L’opposabilité des conditions générales off-line et on-line : de la suite dans les idées ? » in Les conditions générales, Questions spéciales, Collection du jeune barreau de Mons, éd. Anthémis, 2009, pp. 9-34.]. En pratique, on peut distinguer deux principaux mécanismes permettant, dans le cadre de contrats conclus par voie électronique, de communiquer ses conditions contractuelles : le browse-wrap agreement et le click-wrap agreement [Yannick COOL, « Aspects contractuels des licences des logiciels libres : les obligations de la liberté », in Les logiciels libres face au droit, Cahiers du CRID, n° 25, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 171, n° 273 et s.]. Dans le cas du browse-wrap agreement, le vendeur ou prestataire de services se contente de renvoyer, le plus souvent à l’aide d’un lien hypertexte affiché au bas de la page d’accueil ou sur chacune des pages du site, aux conditions contractuelles sans demander à son cocontractant de valider quoi que ce soit. En revanche, la technique du click-wrap agreement implique une action positive de la part du cocontractant. Avant de pouvoir conclure le contrat, ce dernier est invité à faire défiler les conditions contractuelles jusqu’au bout et à cliquer sur un bouton désigné par « J’accepte » ou une formule similaire.
La technique du click-wrap agreement serait donc préférable à celle du browse-wrap agreement. Elle présente certaines garanties, surtout lorsqu’il s’agit, pour le commerçant en ligne, de prouver que son cocontractant a eu la possibilité effective de prendre connaissance de ses conditions contractuelles. Notons qu’il n’est pas requis, pour que soit satisfaite l’obligation de communiquer les conditions contractuelles, que le consommateur en ait effectivement pris connaissance, mais simplement qu’il en ait eu la possibilité [TGI Paris, 4 février 2003, 1re ch. soc., 4 févrrier 2003, Association Familles de France c/ SA Pere-Noel.fr et SA Pere-Noel.fr, JurisData n° 2003-218093 ; D. 2003, AJ. p. 762, obs. Cédric MANARA; JCP G 2003, II, 10079, obs. Philippe STOFFEL-MUNCK; Comm. Com. électr. 2003, comm. 42.]. Par conséquent, si le consommateur clique sur le bouton « J’accepte » sans prendre la peine de lire les conditions contractuelles, il doit assumer les conséquences de son attitude [Quentin VAN ENIS, op. cit. ]. Ceci sous réserve néanmoins que les conditions contractuelles soient mises en ligne dans une forme simple et raisonnablement accessible, et rédigées dans une langue aisément compréhensible pour un consommateur moyen. Ainsi, comme un auteur l’a fait remarquer, « les conditions générales se présentent souvent sous une forme rébarbative (longues énumérations, multiples renvois et exclusions,…) et largement incompréhensible pour le non-juriste » [ Étienne MONTERO, Les contrats de l'informatique & de l'Internet, éd. Larcier, 2005, n° 168, p. 222 ; dans le même sens : Vincent GAUTRAIS, « L’encadrement juridique du “cyberconsommateur” québécois » , in Vincent GAUTRAIS (dir.), Droit du commerce électronique, Montréal, Thémis, 2002, pp. 261-302, spéc. p. 268] ; le consommateur se trouve, de ce fait, malgré la possibilité technique de prendre effectivement connaissance des conditions contractuelles, dans l’impossibilité de s’engager en toute connaissance de cause. L’arrêt que nous allons présenter ici en est une bonne illustration.
Les faits de l’espèce sont les suivants : un internaute, M. Sébastien R., avait ouvert un compte sur le réseau social Facebook à la fin de l’année 2007 et n’a plus eu la possibilité d’y accéder à compter du mois de juin 2009, sans aucun avertissement préalable de ce dernier. Il a été réactivé en janvier 2010, mais de manière restreinte pour être ensuite définitivement désactivé. En juin 2009, M. Sébastien R. a créé un nouveau compte avec une autre adresse e-mail mais a constaté que ce compte avait également été désactivé à compter du mois de juin 2010. Il a ensuite tenté d’ouvrir mais en vain, d’autres comptes sous deux autres adresses. C’est dans ces conditions qu’il a saisi la juridiction de proximité de Bayonne afin d’obtenir paiement de la somme de 1 500 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi suite à la fermeture abusive dudit compte. Facebook a soulevé l’exception d’incompétence du tribunal français, en application de ses conditions générales d’utilisation. Et la juridiction de proximité, par jugement du 18 octobre 2011, lui a donné gain de cause. M. Sébastien R. s’est alors tourné vers la cour d’appel de Pau afin qu’elle tranche cette question de procédure. Dans un arrêt du 23 mars 2012, la Cour d’appel de Pau a contredit le jugement de première instance et a affirmé que le juge de proximité de Bayonne est parfaitement compétent pour connaître du litige en application de l’article 46 du CPC, lequel prévoit que le demandeur peut saisir le tribunal du lieu où le dommage a été saisi. En conséquence, elle a renvoyé l’affaire devant la juridiction de proximité de Bayonne pour y être jugée au fond.
Pour aboutir à cette décision, la Cour a commencé par rappeler les dispositions de l’article 48 CPC en vertu desquelles « toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée. ».
En conséquence, elle a estimé que la clause attributive de compétence en faveur des tribunaux de Californie inscrite dans les CGU de Facebook était « noyée dans de très nombreuses dispositions dont aucune n'est numérotée. Elle est en petits caractères et ne se distingue pas des autres stipulations. Elle arrive au terme d’une lecture complexe de douze pages format A4 pour la version papier remise à la cour et la prise de connaissance de ces conditions peut être encore plus difficile sur un écran d’ordinateur ou de téléphone portable, pour un internaute français de compétence moyenne ». La Cour a souligné par ailleurs qu’ « il suffit d’une simple et unique manipulation lors de l’accès au site (clic) et non d’une signature pour que le consentement de l’utilisateur soit considéré comme acquis », et en a déduit qu’en l’espèce, l'attention de M. Sébastien B. n'était pas "particulièrement attirée sur la clause dont se prévaut la société Facebook […] puisque lors de cette manipulation la clause n’[était] pas facilement identifiable et lisible ». Enfin, au moment de l’inscription de M. Sébastien R., les CGU de Facebook « n’existaient que dans une version en anglais et la société Facebook ne démontre pas contrairement à ce qu’elle prétend, que celui-ci maîtrisait cette langue ». Dès lors, constate la Cour, « il ne peut être considéré qu’il s’est engagé en pleine connaissance de cause et la clause attributive de compétence doit être réputée non écrite ».

Prescription de l'action en responsabilité engagée à raison d’une atteinte à la vie privée sur Internet

En août 1996, la société Nouvelle du Journal de l’Humanité a mis en ligne sur son site Internet, des articles concernant l’état de santé d’une personne. Estimant que ces informations constituaient une atteinte à sa vie privée au regard des articles 9 du Code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette dernière a fait assigner, par acte du 7 septembre 2009, la société devant un tribunal de grande instance en réparation du préjudice. Elle a été déboutée au motif que l’action était prescrite. Elle s’est pourvue en cassation, mais sans succès. S’inspirant d’une jurisprudence antérieure de la chambre criminelle[1], la 2ème chambre de la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 avril 2012 [2], a jugé que « le délai de prescription de l’action en responsabilité civile extracontractuelle engagée à raison de la diffusion sur le réseau internet d’un message, court à compter de sa première mise en ligne, date de la manifestation du dommage allégué »

[1] Cass. crim., 30 janv. 2001, n° 00-83004 : « Lorsque des poursuites pour diffamation et injures publiques sont engagées à raison de la diffusion, sur le réseau Internet, d'un message figurant sur un site, le point de départ du délai de prescription de l'action publique prévu par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 doit être fixé à la date du premier acte de publication, laquelle s'entend de la date à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau ».
[2] Cass. 2eme civ., 12 avr. 2012, n° 11-20664.