samedi 10 mai 2014

Sites de rencontre et divorce pour faute

Fréquenter des sites de rencontre constitue un manquement grave et renouvelé aux obligations du mariage pouvant justifier un divorce aux torts exclusifs de l’époux fautif. 
C’est la position adoptée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 30 avril 2014.

 Ci-après le texte complet de cet arrêt:

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 avril 2012), que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 22 septembre 1990 ; que trois enfants sont issus de leur union ; qu’un juge aux affaires familiales a prononcé leur divorce aux torts exclusifs de l’épouse et a, notamment, rejeté la demande de prestation compensatoire de celle-ci ;  
Sur le premier moyen, ci-après annexé :  
Attendu que Mme Y... fait grief à l’arrêt de prononcer le divorce à ses torts exclusifs ;  
Attendu que l’arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que les « mails » équivoques échangés sur « netlog » par l’épouse avec un certain nombre de correspondants masculins, ainsi que les photographies intimes de cette dernière, établissent que celle-ci avait un comportement de recherches de relations masculines multiples et retient que ce comportement, sans rapport avec son état dépressif, constitue un manquement grave et renouvelé aux obligations du mariage ; qu’en prononçant le divorce aux torts de l’épouse, la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, a fait une exacte application de l’article 242 du code civil ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;  
Et sur le second moyen, ci-après annexé :  
Attendu que Mme Y... fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande de prestation compensatoire ;  
Attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation et sans encourir le grief du moyen que la cour d’appel, après avoir procédé à une analyse détaillée des situations respectives des époux, a estimé que l’équité commandait, au regard des circonstances particulières de la rupture, de rejeter la demande de prestation compensatoire de l’épouse ;  
PAR CES MOTIFS :  
REJETTE le pourvoi ;  
Condamne Mme Y... aux dépens ;  
Vu l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;  
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze.  
 MOYENS ANNEXES au présent arrêt  
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme Y...  
PREMIER MOYEN DE CASSATION  
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR : prononcé le divorce des époux Bruno X... ¿ Nathalie Y... aux torts de l’épouse ;  
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « par des motifs que la cour approuve expressément, le tribunal a retenu que les mails équivoques échangés sur le netlog par l’épouse avec un certain nombre de correspondants masculins ainsi que les photographies intimes de cette dernière établissent de manière suffisante que Madame Y... avait un comportement de recherches de relations masculines multiples qui constitue un manquement grave et renouvelé aux obligations du mariage » (arrêt p. 4 § 5) ;  
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Monsieur X... établit de façon suffisante que la défenderesse avait un comportement de recherches de relations masculines multiples qui, qu’elles donnent lieu ou pas à des relations sexuelles, constitue un manquement grave et renouvelé aux obligations du mariage ; l’état de santé précaire de Madame Y..., et notamment le syndrome dépressif dont elle a souffert selon les pièces médicales qu’elle produit, est sans rapport avec les faits reprochés » ; (jugement p. 5 in fine et p. 6 in limine) ;  
ALORS 1°) QUE : en se bornant à énoncer que les faits retenus à l’encontre de Madame Y... constituaient un manquement grave et renouvelé aux obligations du mariage, sans rechercher s’ils rendaient intolérable le maintien de la vie commune, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 242 du code civil ;  
ALORS 2°) QUE : en se bornant à affirmer, par motifs adoptés, que le syndrome dépressif de Madame Y... était sans rapport avec les faits qui lui étaient reprochés par son mari, et à viser, sans en effectuer la moindre analyse, les pièces médicales produites par ladite épouse, la cour d’appel a privé sa décision de motifs et ainsi violé l’article 455 du code de procédure civile.  
SECOND MOYEN DE CASSATION  
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR : débouté Madame Y... de sa demande de prestation compensatoire ;  
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « en l’espèce, la vie commune pendant le mariage a duré dix-huit ans, les époux sont âgés respectivement de 43 ans pour la femme et de 45 ans pour le mari ; ils ont eu ensemble trois enfants dont deux sont encore mineurs ; il résulte des pièces justificatives produites que les situations respectives des parties sont actuellement les suivantes : * Monsieur X... est marin d’état ; il a demandé sa mise à terre en septembre 2011 pour héberger ses deux filles et perçoit une solde mensuelle de 2. 500 euros ; il règle un loyer de 1. 330 euros ; * Madame Y... perçoit une rente d’invalidité de 660 euros par mois et règle un loyer de 692, 60 euros ; elle ne verse pas de relevé de la CAF ; le couple a vendu le bien immobilier ayant constitué le domicile conjugal en 2008 et chacun des époux a perçu une somme d’environ 93. 000 euros ; Madame Y... a exercé plusieurs emplois de secrétaire jusqu’en 2004 et produit différents certificats médicaux indiquant que son état de santé ne lui permet pas actuellement de travailler ; elle a été reconnue travailleur handicapée pour la période du 6 mars 2010 au 5 mars 2013 et orientée vers le marché du travail avec l’appui d’un opérateur pour l’aider dans ses recherches d’emploi jusqu’au 28 septembre 2013 ; au regard des circonstances de la rupture et au fait que Madame Y..., âgée de 43 ans et ayant une qualification professionnelle, aura la possibilité de travailler dès que son état de santé sera stabilisé ; compte tenu par ailleurs de la prise en charge financière par le père des trois enfants du couple, encore à charge, et au capital perçu par chaque époux sur l’actif de la communauté, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté l’épouse de sa demande de prestation compensatoire » (arrêt p. 5, § 3 à 7) ;  
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « au regard des circonstances particulières de la rupture telles que développées ci-dessus, le divorce étant prononcé aux torts exclusifs de Madame Y..., compte tenu du fait que sa situation de non emploi n’est pas du tout liée au mariage, mais à son état de santé, compte tenu du fait qu’elle est jeune et qu’elle-même n’exclut pas de retravailler dans l’avenir, et enfin compte tenu de la perception par chacun des époux d’une somme importante sur l’actif de communauté, il convient de débouter Madame Y... de sa demande de prestation compensatoire » (jugement p. 8 § 8) ;  
ALORS QUE : le juge peut refuser l’allocation d’une prestation compensatoire si l’équité le commande soit en considération des critères prévus à l’article 271 du code civil, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture ; que pour refuser à Madame Y... le bénéfice d’une prestation compensatoire, la cour d’appel s’est prévalue tout à la fois et de ce que le divorce avait été prononcé à ses torts exclusifs, et des critères prévus à l’article 271 du même code ; que ce faisant, elle a introduit une incertitude flagrante sur le fondement légal de sa décision au regard des textes susvisés.